Une école, un village

Voici une lettre ouverte d’une citoyenne du secteur Parent adressée à Michelle Courchesne, ministère de l’Éducation, concernant la situation de l’impact de l’école laissée pour compte.

Madame la Ministre,

 

Je suis une jeune maman monoparentale et mon fils, Brian, va à l’École Notre-Dame de l’Assomption du Village de Parent, située à 330 km de l’Agglomération de La Tuque.

 

C’est clair que je n’ai pas de statut particulier dans mon village, c’est clair que je ne suis pas quelqu’un qui a beaucoup de poids comparativement à d’autres. Je ne fais pas partie d’aucun regroupement communautaire, je n’ai pas une vie familiale spéciale, je ne recherche aucunement la chicane et/ou l’attention des médias.

 

Je suis tout simplement une jeune maman qui s’inquiète pour l’éducation et l’avenir de son enfant, comme tous les autres parents de mon village, comme tous les autres parents de la province de Québec. La seule différence c’est que j’ai choisi comme milieu de vie, la région du Haut St-Maurice, la petite collectivité de Parent pour m’y établir, y vivre ma vie et élever mon fils.

 

J’ai appris, comme tout le monde, au mois de mai 2009, qu’un poste de professeur au primaire serait coupé et que tous les élèves de la maternelle à la 6e année seraient regroupés dans une même classe pour des questions de budget et de ratio, ils sont présentement au nombre de 22.

 

En faisant un peu de recherche, je me suis aperçue que nous sommes la seule école du Québec à fonctionner avec un système à 7 niveaux dans une seule et même classe, comme une école de rang au temps des « Filles de Caleb ». D’après votre système, les classes « multi niveau » sont d’habitude à 2 ou 3 niveaux différents au maximum.

 

Avec la petite population que nous sommes (281) et vivant à 330 km de notre ville fusionnée, à peu près la seule au Québec si loin fusionnée, on ne peut pas nous mettre dans le même panier que les autres écoles de notre région. Notre cas est particulier. C’est sur que dans les grandes villes il y a un professeur pour 35 élèves. Mais Parent c’est différent, nous sommes en région éloignée et ce n’est pas parce qu’on vit loin qu’on n’a pas le droit aux mêmes services que les gens des grandes villes.

 

Groupe Action Parent, Ville La Tuque, la Corporation de développement communautaire du Haut St-Maurice, le Regroupement des parents de l’école et son Conseil d’établissement ont formé une coalition et ont travaillé d’arrache-pied pendant plus de 10 mois pour trouver une solution qui conviendrait à tous et surtout pour ne pas que tout le monde quitte notre village à cause que l’école n’a plus vraiment de structure.

 

Pas d’école, pas de village ! Rien avance, on est toujours au même point. J’ai bien beau attendre que quelqu’un trouve une solution mais on n’a aucune réponse, personne nous tient au courant, ne veut nous écouter et surtout je pense que personne ne veut qu’on dise les vraies affaires. Les parents ont tout essayé, ils sont découragés, ils ont baissé les bras. Ils aiment mieux penser à déménager que de voir leur enfant de 5 ans prendre des mauvais plis et devenir agressif parce qu’ils sont regroupés avec les plus vieux.

 

Moi de mon côté, il est aucunement question que j’envoi mon fils de 7 ans à l’école à 300 km de chez lui, dans une grande ville comme La Tuque par exemple, en pension, pour qu’il puisse continuer d’aller à l’école. Il est trop petit pour que je le laisse grandir seul. Vous, qui tout comme moi avez des enfants, accepteriez-vous qu’ils reçoivent ce genre d’éducation ? Je crois déjà avoir la réponse à cette question.

 

A ce jour et depuis son élection, jamais notre commissaire d’école, monsieur Marco Trottier est venu à notre rencontre, nous a appuyé et épaulé dans nos démarches. On ne l’a jamais vu, on connaît juste son nom. Ne serait-il pas supposé de nous représenter et de nous aider ? Nous avons manifesté. Nous avons parlé fort. Nous avons tout essayé.

 

La Commission scolaire de l’Énergie ignore nos demandes et reste sur sa position sans penser que peut-être que notre situation est bien différente des autres écoles. Mais elle a trouvé de l’argent pour payer une porte-patio de 8 000$ pour séparer un local en deux et pour nous faire comprendre que la coupure est définitive et ne veut surtout pas que personne prenne des photos de leur nouvelle invention ! Secret professionnel. Notre école est la seule sur le grand territoire de Parent. L’école de Clova a été fermée il y a quelques années. Déjà qu’il faut envoyer nos enfants à La Tuque pour qu’il puisse faire le 2e cycle du secondaire et qu’ils sont désemparés quand ils doivent quitter le nid pour étudier à 14 ans. On n’est certainement pas pour envoyer des enfants encore plus jeune à 300 km de leur famille !

 

Avec la fermeture de Kruger Scierie Parent pour un minimum d’un an, la seule entreprise qui fait rouler économiquement notre village et en plus des nombreuses coupures ici et là et des coupures à l’école, les familles ont déjà commencé à faire leurs valises pour quitter le village. Non seulement parce que il n’y a plus d’emplois pour du moins un an mais surtout parce qu’ils veulent tous, comme moi, la meilleur éducation qui soit pour leurs enfants.

 

Madame la Ministre, Parent est en situation de crise, Parent est en train de mourir. La Commission scolaire de l’Énergie ne veut pas revenir sur sa position. Les parents et vos payeurs de taxes scolaires ne peuvent pas accepter une autre année scolaire comme celle que l’on vit présentement. Les professeurs eux, sont épuisés voir sur la route du « burn out » et la Commission scolaire n’est même pas capable de trouver des remplaçants de l’extérieur, faute de prime probablement et parce que ce n’est pas un lieu de travail normal.

 

Sans des services d’éducation de premier ordre, le village ne peut même pas essayer d’attirer de nouvelles familles. En gros, d’ici quelques mois Parent qui a 100 ans cette année deviendra un village sans âme. 100 ans et sans âme ne rime pas vraiment à la célébration.

 

C’est sur que sans une école qui fonctionne normalement, on ne peut pas développer notre économie. On ne peut même pas envisager d’autres alternatives. On ne peut pas demander à des familles de venir s’installer ici et on ne peut pas demander aux autres de rester. On ne peut plus rien faire. Présentement dans le fond on attend que le mal arrive.

 

Pas d’école, le village n’existe plus. Va-t-il falloir que j’enseigne moi-même à mon fils sur le bord de la table de cuisine ?

 

C’est bien beau vouloir réformer encore une fois l’éducation en instaurant l’école du samedi mais à quelque part, Il y a des situations qui sont beaucoup plus importantes que de priver les parents et les familles reconstituées à voir leurs enfants la fin de semaine. Il y a l’école de Parent.

 

Il serait très apprécié que vous preniez quelques minutes pour regarder notre cas à la loupe. Vous êtes notre dernier recours. Il n’y a pas 100 écoles comme la nôtre, il n’y en a une au Québec. Je vous invite même à venir nous rendre visite. Madame Julie Boulet a déjà fait des pieds et des mains pour nous aider avec les moyens qu’elle dispose mais nous savons maintenant qu’elle ne peut faire rien de plus pour le moment. Seulement vous, madame Courchesne, pourriez remédier à la situation.

 

La balle est dans votre camp. Comme tout le monde, je suis à court de solution et je me demande bien ce que réservent l’avenir et l’éducation de mon fils.

 

Nadia Cossette, mère et citoyenne du Village de Parent