Les cellulaires à l’école : faut-il les interdire?

Le quart des élèves du secondaire au Québec détiennent un téléphone intelligent ou un iPod touch. Cette statistique passe à 80% pour les élèves de secondaire 5. Doit-on abolir les cellulaires à l’école, ou doit-on éduquer les jeunes pour en faire un outil pédagogique? L’Écho a rencontré la direction de l’école secondaire Champagnat afin de dresser le portrait de la situation à La Tuque.

L’école Champagnat détient un code de vie pour ses 453 élèves. Cette réglementation indique que les élèves ne peuvent se servir de leur cellulaire en classe, mais trois endroits sont permis dans l’école : dans la salle des casiers, à l’agora, et à la cafétéria, mais seulement pour les iPod.

«Le code de vie de l’école est révisé chaque année, explique la directrice Louise Roy. C’est une préoccupation pour nous, mais il faut dire qu’il ne s’agit pas d’un dossier avec une grosse problématique. L’élève peut traîner son cellulaire sur lui, mais on ne doit pas voir qu’il l’utilise en classe ou dans les corridors.»

Depuis le début de l’année scolaire, seulement trois téléphones ou iPod ont été confisqués par la direction de l’école. Ce qui est très peu si l’on compare avec l’école Jeanne-Mance, une école de 680 élèves à Montréal, où aucun appareil n’est toléré à l’intérieur de l’établissement. La direction peut en confisquer cinq par semaine.

Louise Roy, directrice, et Julie Bronsard, directrice adjointe, sont à la direction de l’école secondaire depuis cette année, elles qui étaient directrices dans deux écoles primaires les années précédentes. «Lorsque nous sommes arrivées, le personnel nous disait que c’était une problématique à l’école. Les élèves envoient des «textos» pendant les cours, un élève peut filmer l’enseignant, et les élèves peuvent même copier en s’envoyant les réponses. C’est illimité tout ce qu’on peut faire avec cette technologie. Ce n’est pas alarmant ici. Nous avons d’autres problématiques plus importantes. Ce sont seulement certains élèves qui défient les lois», explique Louise Roy.

Mme Roy et Mme Bronsard se promènent beaucoup dans l’école pour observer comme elles sont en apprentissage du milieu secondaire. «Je ne peux pas dire que je vois la majorité des élèves assis individuellement avec leur téléphone. On en voit, mais on voit plus les élèves qui participent à des activités, qui jouent au ping-pong, et qui jasent avec leurs camarades. Ça m’a quand même surpris», opine Louise Roy.

«Ce n’est pas facile à gérer puisque nous permettons que les élèves aient leur téléphone sur eux, ajoute Julie Bronsard. Les jeunes sont ratoureux et développent des trucs pour ne pas se faire prendre. Le problème, c’est que ce n’est pas toujours fait à bon usage. Il faut vraiment prendre le jeune en flagrant délit. Mais pour la première fois, le jeune reçoit un avertissement.»

Effectivement, les jeunes y vont d’ingéniosité afin de se servir de leur cellulaire. Après avoir discuté avec des élèves de secondaire 5, certains nous ont avoué qu’ils «textaient» pendant les cours. «Ça va bien même si notre téléphone est caché dans notre coffre à crayon. Ou même derrière un livre.»

Toutefois, lors d’examens, le cellulaire doit être à la vue du professeur sur le bureau. Et les élèves de secondaire 5 sont aussi reconnaissants que certains professeurs gardent une boîte près de leur bureau, l’endroit où les jeunes doivent déposer leurs effets technologiques. «Ça nous rassure, comme ça, on sait que notre cellulaire ne sera pas volé dans notre casier», exprime un jeune à qui nous avons parlé.

Et les parents?

Il n’y a pas que les jeunes qui contreviennent aux règles de l’école. Les parents aussi! Bien entendu, ce sont rarement les jeunes qui peuvent se payer un téléphone à 70$ par mois.

«Il y a des parents qui appellent leur enfant sur le temps de classe, indique Mme Roy. Que ce soit pour leur rappeler un rendez-vous, ou pour leur dire d’aller dîner à la maison.»

«Ça arrive que des professeurs aillent répondre au téléphone pour dire au parent qu’il appelle pendant un cours, ajoute Mme Bronsard. Le parent devrait appeler au secrétariat, et pas sur le cellulaire de son enfant.»

«C’est une façon simple et rapide pour le parent de savoir que le message va se rendre, mais le message va se rendre aussi en passant par le secrétariat, explique la directrice Louise Roy. On doit s’entendre sur une façon de faire, et c’est ce qu’on est en train de développer.»

La révision du code de vie

Chaque printemps, la direction d’une école révise son code de vie afin de l’appliquer pour la prochaine année scolaire. Est-ce qu’il pourrait y avoir une ouverture à l’école Champagnat concernant cette technologie, ou la direction préfère être plus intransigeante comme à l’école Jeanne-Mance?

À une école de Québec, un enseignant en français autorise non seulement les téléphones dans sa classe, mais il encourage les élèves à utiliser leur appareil pendant les cours, seulement pour des fins pédagogiques. «Ça ne sert à rien de résister à un changement qui finira par s’imposer. Mieux vaut orienter la façon dont les jeunes utilisent ces technologies, plutôt que de se contenter de réagir aux aspects négatifs», soulignait le professeur Sylvain Bérubé à la revue L’Actualité.

À La Tuque, la direction est en réflexion. «C’est certain qu’il y a de quoi à faire avec cette technologie, ça contient une mine d’informations», indique Mme Roy.

«Il y a des enseignants qui sont très techno, mais il faut trouver le juste milieu dans cet univers pour que l’usage soit fait de bonne façon, ajoute Mme Bronsard. Les jeunes s’achètent des cellulaires, mais pour une école c’est difficile de suivre cette vague technologique. On aimerait que tous les élèves puissent utiliser une tablette à l’école, mais il y a une question de budget aussi.»

À l’école Centrale, une trentaine de tablettes seront disponibles pour les jeunes élèves. À l’école Champagnat, les tableaux numériques commencent à être mis à la disposition des professeurs. «Nous en avons une dizaine, et cinq autres devraient arriver sous peu. On essaie de suivre la tendance, mais tout est relié aux coûts. Mais notre budget provient de la Commission scolaire de l’Énergie. On fait nos demandes selon nos réalités, mais la CSÉ doit prendre en considération les demandes de toutes les écoles. Nos demandes sont faites à partir des intérêts des enseignants et de leurs projets», précise la directrice.

La direction se verrait inconfortable de demander aux élèves d’utiliser leur appareil personnel. Ce ne sont pas tous les élèves qui en ont, et ces jeunes seraient sûrement pointés du doigt.