La situation du logement inquiétante en Mauricie

La Commission populaire itinérante Urgence en la demeure a rendu public son rapport sur la situation du logement à travers le Québec, ainsi qu’en Mauricie, et émet ses recommandations.

Curieusement, la première recommandation ne porte pas sur le logement à proprement parler, mais plutôt sur la bonification des mesures de protection sociale, soit les pensions de vieillesse, le supplément de revenu garanti et l’aide sociale.

«Si on veut améliorer les choses, ça prend de meilleures mesures de protection sociale. Par ailleurs, les commissaires indépendants qui ont travaillé sur ce rapport veulent que le droit au logement soit inscrit dans la Charte des droits et libertés. On demande au gouvernement d’établir une politique globale sur l’habitation», commente Jean-Claude Laporte, porte-parole du front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU).

«C’est qu’on remarque que dans les causes de non-paiement, c’est souvent involontaire. C’est un peu le reflet de l’appauvrissement dans la région, en ce sens que si le réfrigérateur brise, par exemple, certains locataires ne seraient pas en mesure de payer leur loyer le mois suivant, forçant le propriétaire à faire une plainte à la Régie du logement. Beaucoup préfèrent ne pas manger, plutôt que de ne pas payer le loyer. Il y a moins de mesures d’aide lorsqu’on a plus de toit», ajoute-t-il.

La Commission souligne également d’une augmentation «plus rapide et plus importante du salaire minimum» serait la bienvenue. Parmi les autres recommandations, on note aussi l’amélioration de l’allocation-logement destinée aux ménages à faible revenu.

«On voit que les expulsions pour non-paiement ont bondi de 50% à Shawinigan et de plus de 40% à Trois-Rivières durant la dernière année. Nos loyers ne sont pas chers, mais les revenus sont aussi moindres que la moyenne provinciale», soutient Diane Vermette, coordonnatrice du Comité logement de Trois-Rivières.

En Mauricie, le revenu médian s’élève à 22 903$ par année, tandis que le revenu médian québécois atteint 29 416$ par année. À Shawinigan, on parle même d’un revenu médian annuel de 20 800$.

«Les communautés autochtones de la Mauricie n’ont pas déposé de mémoire à la Commission, de sorte qu’on n’a pas de portrait précis de ce qui se passe. Par contre, si l’on se fie à d’autres témoignages, on remarque que des propriétaires ont des comportements différents avec les personnes autochtones. Si c’est le cas dans les autres régions, on se dit que la situation doit être la même dans nos communautés autochtones en Mauricie», souligne Diane Vermette, coordonnatrice du Comité logement de Trois-Rivières.

À Kuujjuaq, là où la Commission a entamé ses travaux, des témoignages d’Autochtones faisaient état de surpeuplement. Parfois, ils vivent six, dix et dix-sept dans la même maison de deux chambres à coucher.

«Des personnes sont obligées d’y adopter des quarts de sommeil, c’est-à-dire d’établir un horaire pour que tout le monde puisse dormir dans un lit ou sur un matelas jeté à même le sol. Chez les enfants, les incidences sont nombreuses, notamment sur le plan de la réussite scolaire fatigue, concentration, absence de lieux pour faire les devoirs, etc.). Chez les adultes, le manque de sommeil peut conduire à un haut taux d’absentéisme au travail», soulève la Commission dans son rapport.

Le problème, c’est que le surpeuplement entraîne l’usure accélérée des logements.

Discrimination

Diane Vermette relève que l’insalubrité et la dangerosité de nombreux logements locatifs sont ressorties des témoignages des organismes de la région consultés par la Commission.

«En 2006, le recensement signalait que 8% des logements avaient besoin de rénovations majeures en Mauricie, ce pourcentage s’élevant à 9,1% dans le cas de Shawinigan. Tout laisse croire que la situation s’est encore détériorée depuis», explique-t-elle.

Mme Vermette dénonce aussi la discrimination exercée par des propriétaires lors de la location d’un logement, ainsi que le manque de logements adaptés à la situation des personnes handicapées.

«Il y a des personnes assistées sociales qui se font refuser un logement parce que le propriétaire dit qu’elles n’auront pas les moyens de payer. Des femmes avec des enfants en bas âge se font aussi dire non parce que les enfants feraient trop de bruits, selon le propriétaire. Aussi, les femmes qui ont été victimes de violence conjugale se font refuser un appartement, car le propriétaire dit qu’il ne veut pas de trouble dans le bloc», affirme-t-elle.

50 000 logements sociaux d’ici cinq ans

Le FRAPRU assure que pour répondre à toutes les demandes, les gouvernements du Québec et du Canada devraient financer 50 000 logements d’ici cinq ans, dont 1550 en Mauricie.

«Ce n’est pas avec les 300 logements sociaux qu’on va pouvoir répondre aux besoins des 6500 ménages locataires qui seraient éligibles à un logement subventionné en Mauricie», conclut Jean-Claude Laporte.

Le rapport Urgence en la demeure a été rédigé à la suite d’une consultation indépendante effectuée à l’automne dernier. En tout, 19 personnes et organismes de la Mauricie ont témoigné sur la situation du logement dans la région lors de l’audience tenue à Shawinigan le 22 octobre.