Journée sans achat: une journée de répit!

LETTRE OUVERTE. Depuis maintenant quelques années, les acheteurs québécois sont sollicités, par le biais des médias et de la publicité, pour participer à une des grandes messes de la consommation popularisée sous le nom de «Black Friday» aux États-Unis.

Au Québec, ce «vendredi fou» demeure fidèle à la tradition instaurée par nos voisins du sud, malgré le fait qu’il ne suscite pas encore le même engouement. Les prix chutent, les files s’allongent, et le temps d’une journée, la frénésie s’empare des grandes chaînes de détaillants en tout genre.

Pour les américains, cette journée revêt un caractère traditionnel. En effet, le «Black Friday» représente pour plusieurs la première journée du magasinage de Noël, l’événement se tenant le premier vendredi suivant la fête de « Thanksgiving ». Par contre, au Canada, cette journée de magasinage est vide de sens, mis à part l’incitation à la consommation. Encore une autre occasion de faire des économies direz-vous? Sur cette affirmation, les points de vue divergent.

Plusieurs éléments doivent être pris en compte pour comprendre le fonctionnement de ces soldes dits «extraordinaires». Pour les observateurs du monde de la consommation, les rabais du « Black Friday » sont très souvent des offres recyclées déjà publicisées durant les mois ou les années précédentes. En effet, contrairement à l’idée que plusieurs acheteurs entretiennent, les soldes du «vendredi fou» ne sont pas les plus avantageux de l’année.

En fait, il arrive souvent que les rabais les plus alléchants, connus sous le nom de «doorbuster», soient offerts dans une proportion très limitée, seuls les acheteurs arrivés à l’ouverture du commerce étant en mesure de profiter de l’offre. Il s’agit ici d’une manoeuvre de marketing visant à faire entrer les gens dans le commerce tout en limitant les possibilités d’achat à rabais.

C’est alors que les offres secondaires entre en ligne de compte. Ces soldes, souvent présentés à 50, 60, voire même 70% de rabais, sont le plus souvent le résultat d’un prix initial gonflé. Malheureusement, les consommateurs croyant faire une bonne affaire vont se laisser convaincre par l’apparence d’aubaine, alors qu’en réalité ils profitent d’un rabais négligeable. Enfin, il arrive souvent que les soldes du «Black Friday» sont appliqués à des produits de moins bonne qualité. Plus difficile à vendre en temps normal, ces produits s’accumulent dans les entrepôts et donc perdent de la valeur, les soldes du « vendredi fou » permettent de s’en débarrasser rapidement tout en conservant une bonne marge de profits pour les commerçants.

Le «Black Friday» est donc un prétexte. Un prétexte pour faire de la publicité, un prétexte pour renouveler les inventaires avant la période des Fêtes, un prétexte pour dépenser. Des dépenses qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses, contrairement à ce que veulent nous faire croire les grandes chaînes commerciales. Pour plusieurs, cette incitation à la dépense, sera synonyme d’utilisation du crédit.

Paradoxalement, le vendredi 28 novembre est également la date de la Journée sans achat, événement international existant depuis plus de 20 ans. Le CIBES de la Mauricie incite la population à participer à ce mouvement symbolique, qui en plus d’être bien meilleur pour votre portefeuille, constitue un contrepoids à la culture de consommation qui régit les comportements économiques de la majorité des Québécois. Faites un pied de nez au «Black Friday» et profitez d’une journée de répit. De plus, c’est gratuit!

Aubert Forest, Conseiller budgétaire, au Centre d’intervention budgétaire et sociale de la Mauricie (Cibes)