Vivre en pandémie dans l’incompréhension

AUTISME. On peut s’imaginer qu’il est difficile de partager son quotidien avec son enfant autiste et vivant avec une déficience intellectuelle sévère. Mais quand on ajoute des mesures sanitaires et une incompréhension de la pandémie par son enfant, une lourdeur de la situation s’ajoute. Qu’est-ce qui survient quand l’enfant ne saisit pas qu’il doit porter le masque? C’est ce que vit la Latuquoise d’origine Marianne Banville avec son fils Rémi.

Il y a six ans, la femme de 41 ans a rapatrié son garçon Rémi à la maison, elle qui se lançait alors en affaires de chez elle pour la vente de produits cosmétiques. Rémi avait été placé en famille d’accueil alors qu’il avait 4 ans afin qu’il puisse profiter de plus de services et de ressources.

Marianne avoue que si elle n’avait pas déjà un travail à la maison, elle aurait sans doute plus d’emploi aujourd’hui alors que la pandémie a changé bien des choses au quotidien.

Âgé de 21 ans, la mère de Rémi indique qu’il a l’âge mental d’un enfant de 4 ans.

«Rémi n’est pas autonome, il est capable de voir à ses besoins essentiels comme aller aux toilettes ou manger, mais sous supervision. Il ne peut pas être laissé seul », indique Marianne.

Il s’agissait de la dernière année où Rémi pouvait fréquenter l’école Marie Leneuf, un établissement d’éducation destiné aux personnes de 4 à 21 vivants avec un trouble du spectre de l’autisme (TSP) et/ou avec une déficience intellectuelle (DI). Toutefois, lorsque la pandémie a éclaté en mars et que le confinement a arrêté, le monde de Rémi a basculé. À 21 ans, une transition s’amorce vers les plateaux de travail. «Rémi n’a pas vécu cette transition parce que la pandémie est arrivée. La notion de ne plus retourner à l’école, il ne peut pas la comprendre. Il n’existe pas une journée où il ne me demande pas s’il va à l’école. Le fait que tout a coupé drastiquement, il ne comprend pas pourquoi il n’y a plus rien. Pourquoi il ne pouvait pas sortir, il ne comprenait pas ? Une chance, il n’est pas totalement ancré dans sa routine et ses habitudes, et c’est possible pour moi de changer une partie de son horaire sans qu’il soit trop déstabilisé», explique Mme Banville.

La famille a tout de même organisé une remise d’attestation de réussite scolaire à la maison en compagnie de son éducatrice, comme tout était plus compliqué avec la pandémie.

Cette dernière indique qu’elle a quand même dû gérer son entreprise et la famille cette année, ce qui n’a pas toujours été facile. Heureusement, Rémi peut aller à la maison de répit Évasion chaque mercredi, ce qui permet à sa mère de souffler quelque peu.

En théorie, Rémi devrait pouvoir rejoindre un plateau de travail au début du mois de septembre.

L’épisode du masque

Au début de la pandémie, la femme d’affaires a partagé sur les réseaux sociaux une photo de son fils avec une tablette en disant qu’il s’agissait en quelque sorte d’une «chance» qu’il ne puisse pas comprendre la portée du coronavirus. «Même quand Rémi a une grippe, il ne comprend pas pourquoi il mouche et qu’il ne va pas bien. Il ne comprend pas c’est quoi un virus. Je n’ose même pas imaginer d’autres parents d’enfants autistes qui sont en mesure de comprendre la situation, et qui peut causer un niveau d’anxiété additionnel. Pour le masque, il ne veut rien savoir si ça vient de moi, mais avec mon conjoint ça peut passer. Mais ça ne le dérange pas de voir d’autres personnes avec un masque.»

Marianne souligne toutefois que le jugement de certaines personnes peut être parfois blessant. En principe, son garçon n’est pas obligé de porter le masque. «Il a une tête de plus que moi, et quand je vais dans un commerce avec lui et qu’il n’a pas de masque, je vois le regard des gens. Ce n’est pas écrit dans sa face que Rémi est autiste. Il y a encore beaucoup d’éducation à faire dans la société parce qu’encore plusieurs personnes croient que des personnes comme Rémi coûtent trop cher pour la société. Encore aujourd’hui on reçoit des remarques comme ça.»

Comment la mère voit-elle les prochaines semaines et les prochains mois? «Adaptation, adaptation et adaptation. Il faut voir ça au jour le jour, de toute façon c’est comme ça avec la COVID.»