Régime forestier: hausse des coûts de récolte d’environ 30%

Les municipalités et les forestières plaident pour des changements au régime forestier

ÉCONOMIE. L’avenir des communautés, en regard du régime forestier, peut être assuré dans la mesure où il s’adaptera aux réalités des municipalités forestières.

Panéliste au Forum des communautés forestières de la Fédération québécoise des municipalités, le maire de La Tuque, Pierre-David Tremblay, a eu l’occasion de se prononcer sur la question, lors du forum «Dix ans de régime forestier, l’avenir de nos communautés est-il assuré?»

Oui, pense le maire, à condition que le régime sache s’adapter aux conditions dans lesquelles évoluent les régions forestières.

Il identifie des points sur lesquels le régime pourrait amener des améliorations.

Le Bureau de mise en marché du bois (BMMB) fait en sorte que des entreprises de l’extérieur de la région s’approprient le bois de notre territoire, à coût plus élevé en raison de la surenchère. «Ils peuvent couper à 50, 100 km de la scierie de Parent, ils transportent ça sur de grandes distances dans d’autres régions. On vide des régions au détriment d’une région qui devrait profiter de ce bois», regrette le maire.

Il devient plus difficile pour les entreprises d’assurer le développement et l’entretien de leurs équipements et usines. «L’argent va au gouvernement, car, lui, tire une prime et des redevances. Plus le bois est cher, plus le gouvernement engrange», explique Pierre-David Tremblay.

Autant d’argent qui ne peut être utilisé par ces entreprises pour assurer l’entretien des chemins forestiers, nécessaire non seulement à l’industrie forestière, mais aussi pour l’accès aux communautés et aux chalets.

«Le BMMB crée une économie qui ne nous profite pas […] On ne voit pas revenir l’argent, sous forme d’investissements, de programmes, de chemins. Ça crée plus de secteurs de coupes».

La multiplication des secteurs de coupe rend difficile la planification sur trois ou cinq ans. «C’est à peu près sur un an», ajoute M. Tremblay. Une entreprise forestière peut difficilement planifier l’entretien de chemins forestiers avec une planification sous une si courte période.

Pierre-David Tremblay pense aussi que le gouvernement devra retourner dans le milieu l’argent recueilli grâce au BMMB, en investissement et pour l’entretien des chemins.

«Les 65 pourvoiries me parlent, les 9 Zecs aussi. On a aussi les clubs de VTT, de motoneige, deux communautés autochtones. On n’aura pas une économie forestière forte, s’ils en subissent eux aussi les contrecoups, parce qu’on n’a pas de nouveaux chemins».

Une des solutions serait de réunir les propriétaires de pourvoiries, avec des planificateurs de travaux forestiers, pour harmoniser les travaux de coupe avec les besoins de l’industrie touristique: «Si on régionalisait le bois, on ne serait pas obligé de déshabiller Pierre pour habiller Paul».

«Le régime a besoin d’être modernisé (pour les entreprises) et non seulement faire engranger de l’argent par le gouvernement. Il faut que tout le monde y trouve son compte»

– Pierre-David Tremblay

Le défi de la main-d’œuvre est aussi important. Pierre-David Tremblay est formel: il faut mettre l’accent pour revaloriser les métiers liés à la forêt.

Impossible de parler de forêt sans aborder la question de la bioraffinerie forestière: «Une nouvelle usine doit s’intégrer. Il faut que ce mariage se fasse avec les gens. Est-ce que l’approvisionnement est suffisant? Est-ce qu’on a assez de travailleurs dans le bois? Si demain, on demande à une nouvelle usine de bioraffinerie, comment elle va aller chercher son approvisionnement, si déjà on a de la misère à fournir une usine, ici».

Même son de cloche de Rémabec

Le vice-président exécutif du groupe Rémabec, Eric Bouchard va dans le même sens. «Au niveau de l’industrie, on est capable de dire qu’on s’est trompé sur plusieurs points à l’intérieur du régime», manifeste-t-il.

Pour chiffrer cet argument, M. Bouchard cite les coûts de récolte qui ont augmenté d’environ 30% à travers l’ensemble du Québec. Une portion sur les redevances est facilement quantifiable, mais l’effet de morcellement des activités sur le terrain fait en sorte que la machinerie doit constamment se déplacer: «On a moins d’efficacité sur le terrain, donc, la productivité globale des équipes forestières est moins grande qu’elle l’était. À cela s’ajoutent les nouvelles normes qui ont été instaurées depuis».

Comme plusieurs, il souhaite une réouverture de la loi pour s’assurer de la viabilité à long terme du premier secteur d’activités en forêt, les entrepreneurs forestiers.

«Pas nécessairement pour changer les redevances. Commençons par des changements dans le régime pour chercher l’efficience opérationnelle qu’on avait auparavant, lorsque l’industrie faisait la planification forestière», propose Eric Bouchard.

Selon lui, l’industrie ne génère pas suffisamment d’argent pour redonner ce dont ont besoin les entrepreneurs forestiers pour pouvoir fonctionner. «Ils tiennent ça à bout de bras et on en est un, nous, un entrepreneur forestier. On veut que chaque secteur d’activité puisse avoir ce qui lui revient et le nouveau régime forestier ne permet pas cela. C’est important pour la base forestière, pour l’équilibre des scieries».

L’équilibre est fragile. «C’est une des plus grandes industries au Québec, avec 60 000 personnes», résume M Bouchard. À lui seul, groupe Rémabec emploie, en tout, 2000 personnes.

Il décèle de l’ouverture: «Le ministre (Forêts, Faune et Parcs) est conscient de cela».

Les différentes industries du domaine forestier oublient la compétition et convergent dans le même sens quand il est question des coûts engendrés par le régime forestier: «Tout le monde l’a dit au ministre. Personne ne lui a dit que tout allait bien».

Il faut aller un peu plus loin que quelques seuls ajustements à la loi actuelle. Le ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, serait tout aussi sensibilisé. «Lors de la campagne électorale, M. Legault avait aussi dit qu’il y avait des choses à modifier dans le régime forestier».