Nemaska : des actionnaires se vident le coeur

INVESTISSEMENT. Environ 25 000 personnes ont investi dans l’aventure de Nemaska Lithium depuis le début du projet, et si le plan de relance économique est approuvé par la Cour supérieure, ces investisseurs perdront la totalité de leurs placements. Nous avons parlé à deux investisseurs Latuquois, François Dorval et Yan Lamy pointent du doigt le ministre Pierre Fitzgibbon.

Il faut savoir qu’il y a quelques mois, le Regroupement des actionnaires de Nemaska a été formé afin que la société demeure en bourse. Les petits actionnaires seraient environ 25 000, et détiendraient environ 500 millions d’action équivalent à 350 M$ à la fin du titre en 2019.

Yan Lamy détenait plus de 35 000 actions.

«Je ne suis pas un gros investisseur, sauf que c’était de l’argent durement gagné, explique Yan Lamy. C’est à l’automne passé que j’ai investi davantage quand le ministre Fitzgibbon a dit qu’il ne laisserait pas tomber le projet de Nemaska Lithium parce qu’il croyait en ce projet. Je crois que le lithium est un minerai d’avenir. On nous a vanté la mine de Whabouchi comme étant un des gisements les plus purs, je ne voyais pas comment ça ne pouvait pas marcher. C’est certain que le 19 décembre dernier quand on a su que Nemaska Lithium allait sur la loi de la protection des créanciers, on a tous pogné un nœud. Pour moi, j’investissais dans mon fonds de pension. Je voulais soutenir un projet dans la région aussi, en étant né à Shawinigan, en ayant demeuré à Trois-Rivières, et en demeurant à La Tuque depuis 1992. Cette usine à Shawinigan aurait aussi eu des bienfaits pour l’économie de la Mauricie. On se disait tous que le gouvernement ne laisserait pas tomber les petits actionnaires qui ont cru au projet. C’est carrément une trahison. Mais on a espérance qu’il puisse y avoir une volte-face et que les 25 000 investisseurs aient leur mot à dire.»

Le Latuquois François Dorval détient de l’expérience en bourse et il détient un portefeuille diversifié. Sans dévoiler la somme totale investie, François Dorval avait plus de 10 000 actions.

«On vient de mettre l’industrie minière du Québec sur la défensive pour les 10 prochaines années.»

-François Dorval

«Ça fait déjà 15 ans que je suis un investisseur autonome, indique François Dorval. J’ai un compte de courtage, alors j’achète et je vends des titres. J’avais deux choix pour investir il y a deux ans. Soit que j’allais avec Tesla pour la vague des voitures électriques, ou y aller à la base avec le lithium, comme ça peut se faire pour le pétrole. Je ne pouvais pas savoir quelle compagnie de voitures électriques allait dominer, mais je savais une chose, qu’il n’y allait pas seulement avoir des voitures électriques avec le lithium.»

Le marché du lithium est majoritairement contrôlé par les Chinois, mais en bourse, c’est une compagnie des États-Unis, Albemarle Corporation qui détient actuellement les meilleurs titres en bourse. «Je ne suis pas allé avec Albemarle en raison d’un sentiment patriotique, poursuit M. Dorval. On avait un beau projet dans la région avec une infrastructure en place et Nemaska Lithium pouvait produire un produit de qualité. J’ai embarqué dans l’aventure quand le gouvernement libéral avait injecté 120 M$. C’était un investissement à long terme avec une petite proportion de mon portefeuille dans la catégorie achat spéculatif.»

La Latuquois affirme s’être grandement informé sur toutes les étapes du processus financier de Nemaska Lithium. «Pallighusrt Group n’a pas mis un dollar dans Nemaska Lithium jusqu’à aujourd’hui, c’est juste des mots. À l’automne 2019, Pallighurst s’est présenté comme un investisseur et a demandé l’exclusivité de négociation avec Nemaska Lithium. Et Nemaska a accordé le délai de négociation. Ce que je comprends, c’est que Pallighurst a été de très mauvaise foi et savait très bien qu’en étirant le processus, il allait bloquer tous les autres de l’industrie, y compris General Motors, Tesla, Albemarle… Ces derniers n’ont pas pu établir des négociations avec Nemaska en raison de cette exclusivité. Avec cette stratégie, Nemaska a été mis au pied du mur et ç’a déclenché la loi de la protection de la faillite. Pallinghurts a dominé les petits investisseurs avec des promesses, et aucun fait, et une tactique de négociation très reprochable qui a fait énormément de tort à l’industrie québécoise.»

Pour M. Dorval, le gouvernement s’est associé avec deux vautours. «Avec la nouvelle de la reprise du financement, le ministre Fitzgibbon s’est associé avec deux investisseurs vautours, Orion et Pallinghurst, sur le dos des petits investisseurs québécois. Ça me laisse penser que le ministre est un vautour aussi. Les Québécois ont perdu 120 M$, les petits actionnaires ont tout perdu, et on apprend que les Québécois vont remettre 300 M$ dans une «patente à gosse» comme il l’a dit. Je viens de perdre de l’argent, et avec mes impôts je vais être obligé d’en remettre. Ça fait deux projets miniers que le gouvernement détruit. Ça envoie un message très négatif dans le marché : au Québec, les projets miniers sont très dangereux pour les investisseurs. Tous les projets miniers sont risqués, surtout si le gouvernement met de l’argent là-dedans. On vient de mettre l’industrie minière du Québec sur la défensive pour les 10 prochaines années. L’investissement c’est une question de confiance. C’est certain que les investisseurs n’embarqueront pas dans leur prochain projet.»

Yan Lamy et François Dorval ont avancé qu’ils allaient s’intéresser au recours collectif mis de l’avant par le Regroupement des petits actionnaires de Nemaska. Les deux Latuquois envoient le message aux partis de l’opposition de fouiller sur la gestion du ministre Fitzgibbon dans ce dossier.