Les hivers plus doux peuvent nuire à la capacité des arbres à capter le carbone  

FORÊTS. Depuis toujours, les forêts jouent un rôle important dans le captage et le stockage du carbone. Or, le réchauffement climatique, le gel hivernal qui dure moins longtemps, peuvent avoir des incidences.

Une récente étude publiée dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) démontre qu’une réduction du nombre de jours de gel a des incidences sur la captation et le stockage du carbone par les forêts, et sur leur rôle comme outils de lutte naturelle aux changements climatiques. Sept chercheurs du Service canadien des forêts de Ressources naturelles Canada sont derrière cette découverte obtenue en scrutant les cernes de croissance de plus de 35 000 arbres répartis dans un peu plus de 4000 sites à travers le Canada.

« Intuitivement, on va assumer que le réchauffement climatique, en allongeant la saison de croissance, va permettre une augmentation de la séquestration de carbone par les arbres ce qui produirait plus de photosynthèse », apporte d’entrée de jeu Martin Girardin, auteur principal de l’étude et chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada.

Il faut cependant tenir compte des périodes de froid dont les arbres ont besoin. «Les arbres ont besoin d’un certain nombre de jours de froid. S’ils n’atteignent pas ce seuil, ils vont rester en dormance plus longtemps au printemps. Ils se retrouvent avec une saison de croissance plus courte. S’il n’y a pas suffisamment de jours de froid, ils pourraient débourrer trop tôt et ça les exposerait à des gels une fois que les feuilles sont sorties. »

Un allongement de la saison de croissance ne va pas nécessairement générer une hausse de la photosynthèse et de la capacité des forêts à capter le carbone.

Beaucoup de travaux de chercheurs sont faits sur le débourrement hâtif des feuilles et le gel qui survient après. Les arbres ont effectivement tendance à débourrer plus tôt, mais le facteur le plus important est le nombre de jours de gel entre novembre et avril.

Une diminution inquiétante ? « C’est intrigant, mentionne M. Girardin surtout quand il aborde la question des feuillus. Nos modèles montrent une augmentation de la quantité de feuillus dans les paysages avec les changements climatiques. Ces résultats viennent questionner un peu, parce qu’on dit que si les hivers sont plus doux, qu’il y a moins de jours de gel, ça devrait être néfaste pour les peupliers et les bouleaux. »

En revanche, les espèces comme le pin gris et le pin tordu s’en sortent bien, même si elles subissent des dommages quand il fait très froid en hiver. Ce sont deux espèces adaptées au feu et aux sols qui sont plus secs et qui s’en sortent bien.

Il faut savoir que 9 % des forêts du monde se retrouvent au -Canada et 40 % de la superficie du pays est couverte de forêts. Ce sont les forêts boréales et tempérées dominées par les conifères qui couvrent la majeure partie du -Canada.

« -Avec les changements climatiques, ont met beaucoup de poids sur la capacité de la forêt à absorber (le carbone), mais quand on projette dans les 50 prochaines années, plusieurs travaux montrent qu’il y a plutôt une diminution de la capacité à séquestrer dans un scénario climatique qui devient de plus en plus sévère. Plus les températures augmentent, moins on arrive à réduire nos émissions, moins est la capacité des arbres est grande. En fait, ils pourraient émettre davantage de carbone qu’ils en absorbent. »

L’étude publiée à ce sujet est un signal d’alarme. Pour renverser la tendance, on doit réduire les émissions, opter pour les énergies renouvelables, le reboisement, la protection des territoires naturels.

Avec leur densité parfois importante, on voit les forêts comme étant invincibles. L’étude publiée montre davantage qu’elles sont fragiles. «La forêt s’est adaptée à plusieurs perturbations dans le passé. Mais ce dans quoi on est engagé, c’est un territoire que la forêt n’aura jamais connu depuis 10 000 ans », avertit M. Girardin.