Les archivistes médicaux veulent en faire plus

SANTÉ. On imagine les archivistes médicaux trier des documents toute la journée et les classer dans un classeur. À tort. La profession fait les frais de son historique, alors que le travail s’apparentait à celui d’un bibliothécaire. Mais les choses ont évolué et aujourd’hui, les archivistes médicaux souhaitent être davantage utilisés et reconnus à la mesure de leurs compétences pour améliorer le réseau de la santé.

Ces derniers mois, les archivistes médicaux ont été mis à contribution pour recenser les hospitalisations en lien avec la COVID-19 dans les établissements hospitaliers du Québec.

«Au début de la pandémie, il y avait un besoin de savoir combien de personnes étaient hospitalisées et branchées à un respirateur. Du 16 mars au 6 avril, c’était fait à la main, en ce sens qu’une personne comptait les gens. C’était très inégal dans les établissements du Québec. C’était un vrai bricolage.  Le 6 avril, la Direction de santé publique a décidé de nous utiliser. Depuis, c’est 100% sûr et à jour», soutient Alexandre Allard, président de l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ) et archiviste médical au Pavillon Saint-Joseph à Trois-Rivières.

Ce dernier mentionne que l’expertise des archivistes médicaux dans l’analyse d’information clinique aurait pu être davantage être mise à profit durant la crise. «Si tel avait été le cas, la situation entourant les tests et les soins liés à la COVID-19 aurait pu être bien différente», plaide-t-il.

«Notre compétence est sous-utilisée. On pense être mieux en mesure de servir le réseau de la santé, poursuit M. Allard. Il y a une soif d’analyse d’information dans le réseau. On note et code tout ce qui a trait au diagnostic au moment de l’admission d’une personne à l’hôpital, la plupart des ressources utilisées, le traitement reçu et le séjour des usagers.»

Alexandre Allard soutient que l’utilisation des données colligées par les archivistes médicaux et leur analyse contribueraient à une meilleure flexibilité du réseau de la santé.

«On récupère aussi plus d’informations concernant certaines maladies. C’est le cas des cancers, des AVC, des traumas subis lors des accidents de la route et des homicides. Ce sont des données que l’on peut transmettre aux différents ministères qui servent lors de la mise en place de stratégies de prévention, de traitement et de gestion de la santé sur le terrain. C’est grâce à notre travail qu’ils peuvent faire ressortir des statistiques en matière de santé pour supporter, par exemple, des initiatives pour réduire les accidents sur la route ou encore des centres de recherche sur des maladies précises ou d’implanter des spécialités précises à un endroit où on constate un besoin particulier», précise M. Allard.

«Le fait de compter sur l’information la plus récente et la plus précise, idéalement en temps réel, nous donnerait une meilleure capacité d’ajuster les services aux besoins et de mieux réagir, ajoute-t-il. On peut aller aussi loin que l’organisation de la santé au Québec.»

Par ailleurs, l’Association des gestionnaires de l’information de la santé au Québec estime que le projet expérimental visant l’obtention et la normalisation des renseignements clinico-administratifs nécessaires au calcul des coûts par parcours de soins et de services, auquel participe l’association, pourrait révolutionner la prestation des soins en santé puisqu’il serait possible d’associer directement le coût des soins de santé à chacun des patients.

«Les archivistes médicaux sont prêts à assumer pleinement le rôle qu’ils devront jouer au sein de cet important changement qui a été amorcé. Avec les bons outils, nous pouvons aider le gouvernement à faire du déploiement de cette révision du financement des établissements du Réseau une réussite sur toute la ligne», souligne M. Allard.

La police des dossiers médicaux

Le métier progresse et, en ce sens, l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec travaille sur un changement de titre. C’est que la profession implique aussi de déchiffrer l’écriture des médecins et les notes des infirmières, ainsi que de faire le lien entre les données. L’archiviste médical peut faire le suivi de l’évolution du patient et, lorsqu’il constate une erreur dans un dossier, il peut la pointer au médecin pour qu’une correction soit faite.

«Des médecins nous surnomment la police des dossiers. Une erreur dans un dossier peut être lourde de conséquences. Prenons le cas d’une hospitalisation pour une fracture ouverte. Il pourrait être écrit qu’il y a eu une réparation à la jambe droite, mais la radiographie de la fracture jointe au dossier est celle de la jambe gauche. Ça demande une correction, car ça peut avoir un impact, par exemple, pour un dédommagement par un assureur. Également, si cette même personne se casse une jambe plus tard et que les informations de la jambe traitée initialement sont inexactes, ça peut avoir un impact sur le traitement», explique M. Allard.

D’ailleurs, l’AGISQ demande au ministère de la Santé et des Services sociaux d’encadrer la mise à jour de la formation professionnelle des archivistes médicaux et que le contenu soit ajusté en fonction de la situation actuelle.

On compte plus de 1500 archivistes médicaux au Québec, dont près d’une centaine dans les établissements de santé, centres jeunesse et CLSC en Mauricie/Centre-du-Québec.