Le potentiel minier du Haut-St-Maurice

Depuis plusieurs années, le milieu évoque la possibilité de diversifier son économie qui repose en majeure partie sur l’industrie forestière. Est-ce que le secteur minier pourrait être une voie afin que La Tuque laisse son titre de ville mono industrielle? L’Écho a rencontré Paul-A. Girard, un Latuquois d’origine maintenant revenu chez lui qui a fait sa marque dans le secteur minier.

M. Girard a été à la tête de Minière du Nord (MDN), compagnie minière en Abitibi, pendant 15 ans, soit de 1994 à 2009. «Le principal actionnaire de la compagnie était Serge Savard, et le plus jeune à la direction avait 71 ans. J’avais carte blanche et ma première action a été de faire le ménage au sein du conseil d’administration. Puis, j’ai pris la décision d’aller en Tanzanie en Afrique pour un gisement d’or. La compagnie avait toujours demeuré dans le secteur de l’Abitibi. MDN a été une rare compagnie du Québec à réussir à l’extérieur. Je faisais le tour du monde cinq fois par année, j’étais toujours en déplacement. C’était plaisant au départ, mais je n’avais pas de vie sociale.»

Bien que M. Girard n’ait jamais complété son cours en géologie et qu’il ne peut se considérer comme un géologue, le Latuquois demeure une sommité du monde minier avec son expérience et ses réussites.

Le secteur minier a subi beaucoup de changements lors des dernières années, tellement que le métal précieux qu’est l’or a perdu de sa valeur refuge en termes de rendement, de la position #1 à la position #10. Des métaux de haute technologie comme le niobium et le tantale ont quant à eux pris énormément de valeur sur le marché, en étant respectivement les métaux #2 et #5 au monde pour leur rendement.

«Le niobium est un métal léger qui a la même solidité que l’acier, explique M. Girard. Il sert à fabriquer, par exemple, les avions de plus de 100 passagers. Les compagnies automobiles commencent à utiliser le niobium pour la fabrication de voitures. Quant au tantale, rien d’électronique ne pourrait fonctionner sans tantale. Par exemple, un téléphone cellulaire serait si brûlant qu’on ne pourrait pas le tenir dans nos mains s’il n’y avait pas de tantale. Le plus gros acheteur de tantale dans le monde est la NASA.»

Possibilité du milieu

Quel est le lien entre ces métaux technologiques et le Haut-St-Maurice? «En 2009, un des plus gros gisements au monde de niobium et de tantale qui n’est pas encore mis en production a été repéré à proximité de Girardville, qui est dans la même province géologique qu’ici : le Grenville. S’il y a de la possibilité à Girardville, il y a de fortes chances d’en avoir ici. Il n’existe aucune activité minière à La Tuque. Ça doit changer! Tout dépend des mines pour qu’un pays soit riche ou pauvre. Tout est fait à partir des métaux, même le carton puisque les machines qui produisent le carton sont faites à partir de métaux. Si on regarde l’Abitibi, c’est facile pour quelqu’un de 22 ans d’acheter sa maison et de faire des voyages, il y a tellement de surenchère dans les emplois.»

Peu de gens savent qu’il existe une belle source d’uranium à proximité du lac Wayagamack. «C’est une très belle source claire, mais il n’y a pas de production possible comme elle est près d’un plan d’eau. Je suis à 100% d’accord de ne pas extraire l’uranium à cet endroit en raison de la présence de l’eau. Mais peut-être qu’un jour un tremblement de terre pourrait réveiller la radioactivité de l’uranium et qu’on devra vivre avec les répercussions.»

Mais pourquoi il est difficile d’attirer des prospecteurs ici? «À cause du relief, répond M. Girard. Ça coûte très cher d’explorer à un endroit avec du relief. En Abitibi, c’est plat, et il n’y a que 30% de la région qui est explorée, avec plus d’un milliard de dollars d’investit par année. Il faut creuser jusqu’à 400 pieds pour voir la tête d’un gisement, et les compagnies engloutissent leur investissement dans les cinq premières années juste pour creuser. Ça coûte 125$ du mètre pour creuser, et ici, il faudrait creuser jusqu’à 130 mètres avant de voir la tête d’un gisement, donc environ 13 000$. Au Québec, il y en a encore pour 30 ans d’exploration dans des endroits faciles.»

Afin d’accroître les possibilités de prospection minière dans le milieu, M. Girard croit qu’il devrait y avoir des incitatifs, comme un cours de prospection qui pourrait être offert à l’École forestière. «Il faut aussi que le ministère des Ressources naturelles installe un bureau permanent à la tuque pour dire qu’il y a une organisation ici. Ça pourrait attirer les compagnies à venir. La ministre de la région Julie Boulet pourrait prendre des mesures; il n’y a aucune école de prospection minière dans la région. Il n’est jamais trop tard pour agir, les gisements vont demeurer où ils sont. Mais ça prendra des bonnes personnes, aux bons endroits, et aux bons moments. Chose certaine, j’ai fait ma propre prospection et j’ai trouvé de belles choses. La partie au sud de La Tuque est plus intéressante que celle au nord. Notamment pour le granit rose. Il n’y a jamais eu d’industries minières actives ici, alors les gens ne sont pas au courant de tout notre potentiel. Il peut y avoir une belle économie connexe avec des produits dérivés comme des bijoux. La plus vulgaire des roches peut devenir belle!»